CARDO JARDINS ET PATRIMOINE

Dominique Pinon, paysagiste DPLG

Diplôme de paysagiste DPLG, Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, félicitations du jury
Master "Jardins historiques et paysage", Ecole d'architecture de Versailles
Master "Histoire de l'architecture", Université Paris I - Panthéon Sorbonne, mention très bien

En matière de restauration de jardins, si les débats houleux des années 80 et la tentation de projets parfois contestables semblent derrière nous, profitons-en : rigueur économique oblige, clairvoyance et modestie doivent nous guider. Les jardins historiques n'iront ni au musée Grévin, ni à Eurodisney. Un recul d'une vingtaine d'années doit nous permettre de tirer quelques éléments d'un savoir-faire en cours de constitution :

. l'histoire des jardins est trop longtemps restée stéréotypée et demeure lacunaire. Approfondissement des connaissances et approches multiples permettent d'éviter les lectures hâtives, les compilations stériles d'images chatoyantes ou les anachronismes psychologiques. La distance critique doit être constante, la confrontation au terrain obligatoire. L'histoire ne s'élabore pas en vase clos : c'est avant tout un instrument, un matériau du projet.

. dans tout jardin, la dynamique végétale est en interaction permanente avec les modifications imposées par l'homme, si minimes soient-elles. Agir sur un végétal vieillissant ou reconduire des formes végétales d'une autre époque exige non seulement de connaître les techniques passées mais surtout savoir s'insérer dans des processus complexes en cours. Ainsi, la notion de "plan de gestion" se réduit trop souvent à un calendrier de travaux sanitaires ou d'entretien dont les objectifs ne sont pas même explicités. Ou bien, ils se bornent à la simple reconduction de formes sans s'interroger sur leur pertinence actuelle et sans qu'une réflexion paysagère globale lui soit associée. Les dernières années nous ont montré combien penser le long terme nécessite aussi une gestion plus rapprochée du terrain, à l'écoute des moyens du propriétaire.

. le parti de restauration est avant tout issu de la singularité de chaque lieu. Evidence qui doit être rappelée devant toute position doctrinale qui ne tendrait qu'à conduire à une réponse abstraite, allant de la restitution à l'identique, dont l'aspect artificiel a justement suggéré aux italiens le terme de "giardini gelati", à la pure invention de faux jardins de style, ne se fondant sur aucune légitimité historique, en passant par des transcriptions faciles "à l'historique".

Assurer une réelle survie à ces éléments patrimoniaux en les réintégrant dans le jeu économique tout en préservant leur caractère d'espaces de pure gratuité n'est pas une des moindres ambiguïtés que porte la demande de nos sociétés envers ces "monuments vivants" que sont les jardins anciens: comment pérenniser une création vivante et par nature éphémère, comment redonner du sens à un art compréhensible seulement par ceux qui l'ont imaginé?

Curriculum vitæ